Suite à plusieurs interventions sur les groupes facebook dédiés à la sarcoïdose, je reprends et j’approfondis la réflexion commencée ici :
http://xstoffr.over-blog.com/article-des-limites-du-cerveau-humain-60455933.html
Oui, la cause de la sarcoïdose n'est pas connu actuellement et c'est un problème à plusieurs titres :
Cela ne permet pas de traitement efficace des causes de la maladie. Tout ce que font les traitements, quels qu'ils soient (anti-inflammatoires, immunosuppresseurs, antipaludéens, chimiothérapie), c'est de minimiser l'impact de la réaction du corps. En gros, on constate que notre corps est en état de guerre permanente (suractivité du système immunitaire) et que cet état de siège fait de gros dégâts (captation des ressources, dégâts provoqués par l'accumulation des troupes sur le terrain, dommages collatéraux...). Donc on calme l'activité de notre système immunitaire en attendant la fin de l'alerte... Mais comme on ne traite pas la cause de la réaction immunitaire, il a des cas d'évolution chronique et les rechutes sont fréquentes.
Psychologiquement, l'absence de cause connue est très difficile à supporter. Nous avons BESOIN de savoir pourquoi nous sommes malades, pourquoi c'est tombé sur nous, pourquoi cet élément qui transforme radicalement et brutalement notre vie est arrivé. Nous en avons tellement BESOIN que nous sommes prêts à en inventer si nous ne trouvons pas de réponse satisfaisante. Hors trouver les cause d'une maladie est compliquée, cela ne peut pas se faire en observant l'histoire d'une personne unique ou même un groupe de personnes restreint car dans ce cas on ne peut pas éliminer les coïncidences. On va rechercher dans sa mémoire tout ce qui s'est passé juste avant l'apparition des symptômes et forcément on va trouver quelque chose, parce que l'on VEUT trouver quelque chose, parce qu'il se passe toujours des choses un peu exceptionnelles dans la vie si on prend une période suffisamment large et dans ce cas, on est prêt à étendre la période au-delà du raisonnable pour trouver quelque chose. Cette démarche est vouée à l'échec car en fait, la sarcoïdose est tellement difficile à diagnostiquer et ses symptômes tellement bénins en général lors de son apparition qu'elle passe inaperçu. On ne sait donc JAMAIS quand la maladie a commencée. Il est donc absurde de chercher la cause dans les événements qui ont tout juste précédé l'apparition des premiers symptômes apparents car il y a une probabilité non négligeable pour que l'on ait été malade depuis longtemps à ce moment-là et que donc les causes potentielles que l'on va incriminer vont être postérieures au début de la maladie. Pour mémoire et étayer mon argument, la meilleure manière qu'avaient les chercheurs de recruter un nombre suffisant de patients pour leurs études sur la sarcoïdose, c'était de récupérer les malades qui étaient détectés lors des radios systématiques en début des études de médecine, donc des personnes se croyant en parfaite santé et dont on découvre la pathologie à l'occasion d'un examen de routine systématique (les radios étaient faites je crois pour détecter les cas de tuberculose lorsque celle-ci était plus fréquente que maintenant). On peut donc vivre plusieurs années en se croyant en parfaite santé mais en étant déjà malade et que la maladie s'aggrave d'un coup sans qu'on sache pourquoi et qu'elle soit diagnostiquée seulement à ce moment-là. Pour la recherche des causes cela va tout fausser – donc une conjonction temporelle est totalement insuffisante pour rechercher une cause dans l'historique d'un nombre limité de patient.
L'absence de cause connu est un échec (que l'on espère temporaire) de la médecine et donc de la science. Le risque c'est alors de jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous sommes fragilisés psychologiquement et il y a un risque réel. Nous sommes susceptibles de nous rabattre sur d'autres théories explicatives, nous allons être ouvert à des idées que nous aurions rejetées en l'absence de la maladie : je pense en particulier au risque d'endoctrinement par une secte – quelqu'un qui propose une explication holistique du monde et trouvera à adapter cette théorie au contexte de la maladie pour répondre à ce besoin impérieux d'explication. Il y a aussi le risque de rejet du progrès technique ou de l'incrimination globale de notre mode de vie moderne et civilisé – ce qu'un membre du groupe a exprimé récemment sur le groupe « la sarcoidose cette saleté de maladie » avec un post incriminant violemment le mode de vie occidental et les vaccins en particulier. Le risque dans les deux cas, c'est de rejeter la médecine, d'arrêter le traitement et voir la maladie qui s'aggrave, voire qui s'aggrave de manière définitive et irrécupérable pour ceux ayant des atteintes pulmonaires évolutives (fibroses des poumons). Oui la médecine ne peut pas nous guérir pour l'instant mais cela ne veut pas dire qu'elle est inutile et inefficace. Les traitements sont contraignants, les effets secondaires pénibles, l'évolution lente, les rechutes fréquentes, le dosage et la stabilisation du traitement extrêmement difficile et nécessitant de nombreux et longs tâtonnements mais cela fonctionne dans la majorité des cas et cela peut éviter une aggravation de la maladie qui rappelons-le peut être fatale (fibrose pulmonaire étendue et irrécupérable, atteintes cardiaques et neurologiques).
Ce risque d'incriminer et de rejeter notre mode de vie moderne et les évolutions technologiques récentes est soutenu par une illusion statistique majeure : L'augmentation de la prévalence des maladies rares, chroniques et des causes de mortalité qui étaient considérées comme moins importantes. Oui, on mourrait moins de cancer il y a deux siècles que maintenant, oui, les indiens d’Amazonie souffrent moins de cancer, d'AVC, de maladie cardio-vasculaires. Oui, on trouvera probablement moins chez eux de maladies rares comme la sarcoïdose et il y a de très bonnes raisons à ça qui n'ont rien à voir avec notre mode de vie moderne, que ce soit la pollution, le stress, les vaccins, le nuage de Tchernobyl, la fréquentation des animaux domestiques, les cures de désensibilisation allergiques, les ondes électromagnétiques des téléphones portables, les pesticides/herbicides/fongicides et autres -cides d'origines chimique, les satellites ou toutes les explications farfelues que notre cerveau en manque d'explication voudra bien inventer ou croire.
La cause de ces augmentations de prévalence de pathologies autrefois plus rares est précisément les progrès de la médecine. Et en particulier les éléments suivants :
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Les progrès des connaissances. Il y a deux siècles, bon nombres de ces pathologies n'étaient tout simplement pas connues et décrites. Les médecins étaient incapables de les diagnostiquer car on ne les connaissait pas ! Cela ne veut pas dire qu'elles n'existaient pas, juste qu'on était incapable de les reconnaître.
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Les progrès des moyens d'investigation. Pour moi le diagnostic a pu être établi uniquement après un scanner thoracique, et le scanner, c'est assez récent comme technologie et ça n'est pas facilement accessible au cœur de l'Amazonie. C'est en particulier cette explication qu'il faut retenir pour l'augmentation de la prévalence observée des cancers de la thyroïde depuis le passage du nuage de Tchernobyl sur la France. En cherchant un peu plus on s'aperçoit que cette augmentation de prévalence a en fait commencée un peu avant l'incident nucléaire et est lié à une amélioration technologique des échographies, une amélioration de résolution qui permet de détecter des tumeurs plus petites qui avant échappaient à l'examen et n'étaient donc pas détectées. Il est à noter que cela peut aussi augmenter le nombre de faux-positifs, c'est à dire le nombre de personnes diagnostiquées à tort pour une pathologie n'existant pas ou qui serait restée bénigne.
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Le fait qu'avant on mourrait d'autre chose avant ! Les causes de mortalité dans le passé (et encore aujourd'hui au cœur de l'Amazonie) sont connues : c'était principalement les infections : bactéries et virus, la faim et les guerres. Les progrès conjugués de l'hygiène, des antibiotiques et des vaccins (oui, des vaccins!), de l'agriculture et de la démocratie ont permis de diminuer cette mortalité-là. Mais on n'a pas (pas encore?) trouvé comment devenir immortels, et donc il faut bien mourir de quelque chose. Si l'on meure moins d'infection, forcément les autres cause de mortalité augmentent puisqu'on finit bien toujours par mourir de quelque chose. C'est probablement le principal facteur d'augmentation des cancers : si la probabilité de mourir d'un cancer est constante par rapport à l'age (et il semblerait qu'elle soit même plutôt en augmentation avec l'âge), plus l'espérance de vie augmente et plus la probabilité de mourir d'un cancer augmente aussi. Même chose pour les AVC et les problèmes cardiaques, plus on fait de progrès sur les autres causes de mortalité (il y a aussi les réductions de morts violentes, des accidents de la route ou professionnels, de la pollution !...) et plus la prévalence de ces pathologies augmentera juste par un effet statistique.
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La réduction des morts par infections opportunistes. Lorsque l'on a une maladie grave, on est moins résistant aux infections, voire la pathologie elle-même peut favoriser le développement des infections, comme il semblerait que ce soit le cas pour les maladies inflammatoires (une inflammation peut favoriser localement le développement d'une infection). Donc avant que l'on sache lutter efficacement contre les infections, bon nombre de malades ayant une autre pathologie mourraient d'une infection opportuniste qui dans bien des cas devait être seule incriminée par les médecins de l'époque.
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L'augmentation mécanique de la prévalence du fait de l'amélioration de prise en charge et des traitements. Le simple fait de mieux savoir traiter les maladies et de prolonger l'espérance de vie des malades augmente mécaniquement la prévalence d'une maladie. C'est en particulier le cas pour le HIV qui est devenue dans nos pays développés une maladie chronique alors qu'elle était avant mortelle. Du coup le nombre de malades augmente (puisqu'ils ne meurent pas) et la prévalence augmente.
Il est donc tout à fait normal et logique que notre mode de vie moderne conduise à une augmentation des pathologies autrefois plus rare, ce n'est pas parce que ce mode de vie est plus nocif ou augmente les risques, c'est au contraire qu'il diminue les autres risque et nous permet de vivre suffisamment longtemps pour développer ces pathologies.
Enfin, même si nous ne connaissons pas les causes de la sarcoïdose, il y a des éléments à prendre en compte qui donnent des indices... contradictoires !
- Il est établi que la sarcoïdose peut se transmettre par un greffon du donneur au receveur d'un don d'organe.
- Je crois avoir lu quelque part qu'on peut rendre malade des animaux en leur injectant des extraits de tissus atteints.
Ces deux éléments semblent militer pour un facteur infectieux.
- Les membres de la famille d'un malade ont plus de chance d'être malades que la population globale.
- La fréquence et la gravité de la maladie est différente pour les personnes de peau sombre que pour les personnes de peau claire.
Ces deux éléments semblent militer pour un facteur génétique.
- Il a été observé une fréquence très élevée de sarcoïdose dans une communauté de pompier luttant contre des feux de forêt.
Cet élément semble militer pour un facteur environnemental.
Je crois qu'il faut donc être prudent sur ces éléments et ne pas oublier qu'il peut y avoir plusieurs causes provoquant un même type de pathologie. En particulier pour les cancers on a un même type de pathologie avec des causes très différentes :
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purement génétique par exemple pour certains cancers du sein,
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clairement environnementaux au contraire pour les cancers des poumons chez les fumeurs, les cancers de la peau lié au soleil, les cancers liés à l'alcool (il parait que la carte du taux de prévalence des cancers est fortement corrélée à la carte de la consommation moyenne d'alcool) ou les cancers liés à l'irradiation nucléaire.
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Infectieux pour certains cancers du col de l'utérus contre lequel un vaccin vient d'être mis au point.
Il est donc possible que la sarcoïdose soit en fait plusieurs pathologies ayant des causes différentes mais des symptômes identiques – pas simple tout ça !
Enfin des éléments intéressants à noter :
- La sarcoïdose peut toucher tous les ages mais il y a un pic de prévalence très nette vers 30-40 ans. Pourquoi ? C'est assez mystérieux mais ça ne milite pas pour les causes infectieuses ou environnementales qui en général touchent tout le monde quel que soit l'âge.
- La sarcoïdose a été découverte en 1877, donc cela exclu pas mal de choses au niveau pollution environnementale. En 1877, il y avait pas mal de pollution (le charbon et le bois utilisés à l'époque pour se chauffer et faire tourner les usines sont très polluants) mais elle était très différente de celle qu'on a aujourd'hui. Cela exclu notamment les vaccins, qui ont été inventés après !
- La sarcoïdose est difficile à diagnostiquer et probablement largement sous-diagnostiquée car souvent asymptomatique. Cela veut dire qu'il faut faire attention dans l'interprétation des différences de prévalence : cela peut être induit par un meilleur accès aux soins et une médecine préventive plus efficace. Par exemple, je ne serais pas surpris qu'une partie de la prévalence plus importante observée en europe du nord soit liée à une meilleure qualité du système de santé et à une meilleure éducation moyenne de la population. Je ne serais pas surpris non plus de constater que les taux de prévalence différent beaucoup d'un médecin à l'autre, certains médecins ayant rencontré un premier cas seront plus attentifs à cette possibilité et donc plus à même d'en diagnostiquer d'autres, voire que les taux de prévalence change d'une académie de médecine à une autre, simplement du fait de la différence d'enseignement sur cette pathologie.