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25 juin 2018 1 25 /06 /juin /2018 15:14

J'ai vu PsyParisien deux jours après – j'avais essayé de grouper les rendez-vous pour limiter les aller-retour. Le bâtiment est impressionnant, une vrai prison avec même des douves et on passe devant des portes sécurisées à gros barreaux pour aller aux consultations. Je comprends que ce genre d'installation soit nécessaires pour les malades dangereux et que l'aspect du bâtiment est historique et donc difficile à modifier maintenant mais tout de même, quand les troubles que l'on a ne sont pas aussi marqués, c'est impressionnant et ne donne pas vraiment une bonne image de la psychiatrie. Ils pourraient organiser les consultations ailleurs histoire de ne pas traumatiser les personnes qui viennent de leur plein grès. Quand je me suis présenté j'ai eu la surprise de constater qu'il fallait me créer un nouveau dossier médical – et oui, même si j'avais déjà vu ce médecin, c'était dans un autre service donc il fallait me créer un dossier dans ce service là et il était donc vierge. Ici on frise l'absurde : j'ai donc trois dossier dans trois services différents du même hôpital et tout cela au 21ème siècle !

 

J'abordais tout de même la consultation dans les meilleurs dispositions – j'ai toujours eu des très bon rapport avec les psychiatres (j'en ai quand même vu 4 à ce jour) et le premier contact avec celui-ci s'était très bien passé. Il avait été lors de notre première rencontre à l'écoute, empatique et avait conclu à l'absence de trouble psychiatrique – comme ses trois collègues précédents d'ailleurs. Bon, il avait pas mal de retard mais j'avais de la marge pour mon train de retour donc pas trop de soucis de ce coté, j'étais zen. Juste avant que le psychiatre arrive, la personne qui attendait avec moi m'a adressé la parole. Elle était remontée à bloc. Cela faisait une heure qu'elle ruminait et là, elle était prête à exploser. En gros elle avait également atterrie dans le service où neurologue et psychiatres font des consultations communes mais ils avaient tranché pour la psychiatrie et elle fulminait qu'on puisse établir un diagnostic psychiatrique comme ça juste en une consultation d'une demi-heure. J'ai essayé de lui dire que le psychiatre m'avait semblé bien, que j'avais eu un bon contact avec lui mais je n'ai pas eu le temps de la calmer car il est arrivé juste après qu'on ait commencé à discuter. Si j'avais su, j'aurai engagé la conversation plus tôt – mais c'est toujours un peu délicat avec une femme. Du coup, elle a explosé quelques minutes seulement après le début de la consultation. Les portes ne sont pas insonorisées, j'ai donc été témoin involontaire de la scène où le psychiatre s'est fait agressé verbalement – probablement à tord car je suppose que c'est surtout le refus de prise en charge par ses collègues neurologues qui avait mis la patiente à bout – ça et le retard bien sûr.

 

Il y a eu une autre consultation – le psychiatre ayant commencé ses consultations avec une heure de retard, il était donc obligé d'enchainer – puis ça a été mon tour. Je dois avouer, j'ai été maladroit. J'avais mis en route l'enregistrement sur mon téléphone portable avant le début de la consultation. Pour moi l'objet principal de la consultation était de savoir si je devais essayer un traitement pour trouble bipolaire. Ce n'est pas anodin et je voulais être sûr de bien comprendre les arguments. Je me méfie de ma mémoire, non pas que j'ai identifié des troubles cognitifs de ce coté mais simplement parce que je sais que même les personnes n'ayant pas de problème neurologique ne retiennent qu'une version déformée des informations qu'on leur communique. Je voulais donc pouvoir réécouter ses arguments à tête reposée à postériori pour pouvoir prendre ma décision concernant cet éventuel traitement en ayant bien compris et retenu toutes les informations. Comme je ne voulais pas rater le début de la conversation j'avais donc mis en route l'enregistrement juste avant d'entrer, mais comme c'est illégal d'enregistrer quelqu'un sans son autorisation, je l'ai informé du fait que j'enregistrais dès que j'ai pu. C'était très maladroit et j'ai d'ailleurs modifié ma façon de faire : maintenant je demande l'autorisation avant et je ne déclenche que si je l'ai obtenu. Sa réaction a été extrêmement hostile, il a refusé d'écouter mes arguments – je n'ai tout simplement pas pu lui expliquer pourquoi je voulais enregistrer et bien entendu refusé de continuer la consultation si je le faisais.

 

Du coup quand la consultation a réellement commencé, c'était déjà tendu… et il y a eu un malentendu. Il m'a demandé de lui raconter ce qui s'était passé en neurologie. J'ai répondu qu'on était pas là pour parler de neurologie mais de psychiatrie. Il l'a mal pris et probablement interprété comme un refus de ma part de parler de l'épisode psychotique – sauf qu'en fait c'est simplement que je n'ai pas compris sa question qui était mal formulée. Il ne s'est rien passé en neurologie car lorsque j'ai atterri dans le service de neurologie la crise psychotique était déjà terminée. Il m'aurait demandé ce qui s'était passé avant que j'atterrisse en neurologie – chez moi ou aux urgences, là j'aurai essayé de mon mieux de lui raconter ce qui s'était passé mais en neurologie, à part lui parler de la qualité des repas, de l'amabilité du personnel soignant, de mon voisin de chambre ou de la perplexité des médecins, il n'y avait rien d'intéressant à raconter. Du coup, tout le reste de la consultation a été tendu, pas de mon fait je crois – je faisait vraiment de mon mieux pour essayer de lui expliquer les choses mais du sien qui était hostile et qui projetait sur moi une hostilité qui n'était vraiment pas là. Non, je ne refusait pas une prise en charge psychiatrique comme la patiente qui l'avait agressée avant moi, c'est juste que jusqu'à présent tous les psychiatres que j'avais rencontré (y compris lui-même l'année précédente) avait dit que pour eux mon cas ne relevait de la psychiatrie et que les tentatives de traitements psychiatriques qui avait été essayés avaient été des échecs. Je lui ai aussi expliqué les difficultés de ma femme suite à ma crise psychotique et aux errances de la prise en charge médicale et qu'on pouvait difficilement se permettre une aggravation de mon état causé par un nouvel échec d'un traitement psychiatrique – pour rappel lorsqu'on a essayé des traitements antidépresseurs, je me suis retrouvé complètement KO, dormant 20 heures sur 24 et à moitié dans les vaps les rares heures où j'étais éveillé. J'ai également indiqué que j'étais déjà suivi en local et que mon psychiatre n'était pas vraiment chaud pour un traitement pour trouble bipolaire et qu'il serait difficile d'en trouver un autre dans notre sous-préfecture de province. Quand j'ai argumenté que ce serait difficile pour lui de faire un suivi psychiatrique à 500 km de distance surtout pour un essai thérapeutique, tout ce qu'il à trouvé à proposer c'était une hospitalisation de plusieurs semaine à Paris pour l'essai du nouveau traitement. C'est pour moi clairement absurde compte tenu de ce que je lui avait dit sur l'état de fatigue de ma femme – je ne peux pas beaucoup aider à la maison mais le peu que je peux faire est tout de même indispensable actuellement au moins au niveau psychologique, je suis certain que laisser ma femme toute seule avec ma fille pendant plusieurs semaines n'est pas une bonne idée. A un moment donné il m'a même reproché d'avoir une mauvaise attitude et quand j'ai regardé ma montre pour vérifier si je n'étais pas en retard pour mon train, il m'a demandé agressivement pourquoi je le faisais ! Ses explications étaient confuses et il était visiblement à coté des pompes. A un moment donné, je lui ai demandé de me décrire les effets secondaires potentiels du traitement qu'il proposait – les régulateurs de l'humeur qu'il voulait prescrire. Il m'a répondu froidement d'aller regarder sur internet. J'ai dû avoir l'air stupéfait – j'ai immédiatement eu conscience qu'il venait de commettre une faute professionnelle. Il a vu ma tête et s'est repris en me citant rapidement quelques effets secondaire mais ce n'était pas cohérent avec ce qu'il avait cité avant comme effets potentiels bénéfiques. Je lui ai fait remarqué et il s'est à nouveau repris, il venait de me citer ceux des antidépresseurs – il a donc recommencé de la même manière pour les régulateurs de l'humeur… Je comprends mieux pourquoi il a refusé d'être enregistré !

 

En conclusion il a indiqué qu'il recommandait un essai des régulateurs de l'humeur parce que ce cela ne coûtait rien d'essayer. Je ne suis pas d'accord, ces traitements ne sont pas anodins, les effets secondaires peuvent avoir un impact non négligeables et nous n'étions pas en état ma femme, ma fille et moi d'avoir un nouveau choc si ça se passait mal. En plus, on n'a aucune info sur les éventuelles interférences entre ces traitements et la sarcoïdose. Il a finalement indiqué que c'était à moi de décider et à reprendre contact avec lui si je le souhaitais.

 

Enfin, ce n'a pas été complètement inutile, j'ai appris plusieurs choses :

  • Il m'a rappelé le principe qu'il ne faut faire qu'un seul changement thérapeutique à la fois et donc que si j'acceptais d'essayer les régulateurs de l'humeur, le traitement immunosuppresseur serait laissé inchangé. Le concept m'a été utile plus tard parce que certains médecins l'oublient trop souvent.

  • Il a clairement exprimé que pour lui, prise en charge neurologique et psychiatrique sont complémentaires et non pas alternatives. Sur ce point nous sommes d'accord et c'est également le point de vu deLaSuperSpécialisteDeNeurosarcoïdose.Malheureusement ce n'est pas le point de vu de la majorité desneurologues et lorsque le sujet a été abordé, il a eu un soupir désabusé… Son quotidien ne doit pas être facile, pris en tenaille entre des neurologues qui refusent de prendre en charge les patients et les patients qui refusent une prise en charge uniquement psychiatrique.

  • J'ai en partie éclairci la problématique du terme « trouble de l'humeur ». C'est d'ailleurs curieux que ce terme soit encore utilisé alors même que la théorie allant avec – et la pratique des saignées qui en découlait – a clairement été infirmée et reléguée au rang des chimères. Oui, on continue à qualifier de trouble de l'humeur des symptômes qui ne sont pas bien définis et cela pose problème car médecins et patients n'entendent pas la même chose lorsqu'il est employé. Les patients entendent le sens commun du terme « humeur », comme être de bonne humeur ou avoir des sautes d'humeur, c'est à dire avec des fluctuations émotionnelles. Le sens courant est toujours associé à la sphère affective.Hors pour les médecins le terme est beaucoup plus général et peut inclure les notions de fatigue / vitalité anormale ou tachy / brady psychie (c'est à dire trouble du rythme de la pensée) qui sont,certes,le plus souvent associés à des troubles émotionnels mais pas toujours.

  • J'ai pris conscience en étant témoin de l'agressivité de la patiente précédente qu'il était extrêmement important de conserver son calme en toute circonstance et de rester correct avec les médecins quoi qu'il arrive. Les médecins sont des professionnels qui font de leur mieux et ils n'ont pas à subir d'agression même lorsqu'il commentent des erreurs et cequelle que soit la gravité des conséquences de leurs erreurs. C'est difficile mais c'est extrêmement important. Cela vaut également pour le personnel soignant et le personnel administratifs, et ce même lorsque nous sommes exaspérés par les dysfonctionnements des hôpitaux. Le personnel de l'hôpital est la première victime de ces dysfonctionnements et il faut mieux en rire avec eux plutôt que de les leur reprocher. C'est donc avec un peu d'appréhension que j'ai demandé à ma sœur si j'avais été correct avec ProfNeuroPragmatiquemais elle m'a rassurée : à part deux questions qui remettait en cause ses compétences et qui l'avaient un peu choquées, j'avais été tout à fait correct (ce que la réécoute de la consultation a confirmé). En ce qui concerne les deux questions – le temps qu'elle avait passé sur mon dossier et le nombre de cas de neurosarcoïdose qu'elle avait déjà traité, je pense à la réflexion qu'elles étaient légitimes et les réponses évasives qui m'ont été données montrent à mon avis leur pertinence.ProfNeuroPragmatiquen'a pas à mon avis passé suffisamment de temps sur mon dossier et n'a pas l'expérience requise sur cette pathologie rare pour pouvoir faire un diagnostic fiable sans prendre la peine de se replonger dans les publications scientifiques récentes pour rafraichir ses connaissances. La médecine évolue vite, les pathologies sont très nombreuses, un examen rapide d'un dossier en 30 minutes (la durée de la consultation), même si elle est précédé d'une lecture rapide du dossier n'est absolument pas suffisant pour des pathologies aussi complexes. Les risques de confusion avec d'autres pathologies sont trop grand. Un seul exemple pour fixer les choses. La SEP – une autre pathologie neurologique inflammatoire a beaucoup de points communs avec la neurosarcoïdose mais il y a une différence de taille : dans la SEP les bandes oligoclonales d'igg dans le LCR sont quasi systématiques (95 % des cas cliniquement certains) alors qu'elles sont beaucoup moins fréquentes dans le cas de la sarcoïdose (de l'ordre de 50 % des cas diagnostiqués). La SEP étant beaucoup plus fréquente que la neurosarcoïdose, il peut être tentant pour un médecin peu familier avec la neurosarcoïdose (mais ayant déjà traité quelques cas) ettraitant beaucoup de cas de SEP d'appliquer le même raisonnement à la sarcoïdose qu'à la SEP simplement par analogie. Dans ce cas il exclura à tord la possibilité d'une neurosarcoïdose quand le résulat d'analyse est négatif ce qui est légitime pour la SEP mais ne l'est pas pas pour la neurosarcoïdose. Combien de médecins sont réellement capablesd'aller à ce niveau de détail pour des pathologies rares sans se replonger dans les publications scientifiques ? Combien prennent le temps de le faire lorsque c'est nécessaire ?

 

Au final donc ProfNeuroPragmatiquedit qu'il faut que je vois le psy. Le psy dit qu'il conseille un essai des régulateurs de l'humeur, pour voir si ça marche, parce qu'on a pas grand-chose à perdre et que ça peut se faire en parallèle avec une prise en charge neurologique à base d'immunosuppresseurs – sauf que personne (à part mon médecin traitant mais je ne veux pas abuser) ne veut plus prendre la responsabilité de me les prescrire.

 

Avant de voir ProfNeuroPragmatique j'avais préparé un document sur l'enzyme de convertion de l'angiotensine dans le LCR. Il démontrait que le fait que ce ne soit pas spécifique (c'est à dire puisse être causé par d'autres pathologies) n'était pas un bon argument pour rejeter cette hypothèse. En effet si seulement 30 % à 50 % des personnes ayant cette anomalie ont une neurosarcoïdose, le fait d'avoir une sarcoïdose modifie les calculs de probabilités. Il faut alors utiliser la probabilité que l'anomalie est due à une neurosarcoïdose sachant que le patient a une sarcoïdose, une probabilité conditionnelle. C'est le B-A-BA des probabilités, le théorème de Bayes. Et comme la sarcoïdose est rare, on passe d'une probabilité de 30 % (ce qui effectivement n'est pas probant) à une probabilité de 99,5 % ce qui est clairement probant ! Je n'ai pas eu l'occasion d'en parler à ProfNeuroPragmatique, cela ne s'est tout simplement pas présenté mais dans le train du retour, je me suis retrouvé cote à cote avec un enseignant en économétrie. C'est à dire un spécialiste des statistiques et des probabilité (il corrigeait des copies sur le sujet d'ailleurs). Je lui ai donc demandé de bien vouloir jeter un coup d'oeil sur le document et de me confirmer si mon raisonnement lui semblait correct. Il a confirmé sans hésitation (enfin après deux ou trois explications des termes médicaux de ma part).

 

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