Voilà, c’est fait, depuis le 6 juillet je suis officiellement en invalidité ! J’ai eu une visite chez le médecin conseil de la sécu juste avant la date butoir des 3 ans d’arrêt maladie, visite très cordiale et sans heurt où il a juste pris acte de mon nouveau suivi par LaSuperSpécialisteDeNeurosarcoïdose et en a tiré les conséquences. J’avais préparé 2-3 arguments au cas où mais j’en ai même pas eu besoin – je crois qu’au final l’entretien à duré à peine une dizaine de minutes tellement pour lui l’invalidité était évidente (ouf !).
Donc au lieu de toucher des indemnités journalières, je vais toucher une pension d’invalidité. Globalement ça ne devrait pas changer grand-chose pour moi puisque de toute façon mon employeur a souscrit un contrat de prévoyance qui prévoit une indemnisation globale identique en cas d’invalidité par rapport à l’arrêt maladie. Donc financièrement ça devrait aller, j’ai eu une baisse de mon salaire mais ça nous suffit largement pour vivre pas de soucis de ce coté. Bon, ces revenus n’évoluent pas comme pourrait le faire un salaire d’ingénieur qui en général augmente sensiblement avec l’expérience et je ne suis pas encore sur des modalités de réévaluation en fonction de l’inflation mais globalement ça va. On va aussi payer un peu plus d’impôts puisque la pension d’invalidité est imposable contrairement aux indemnités journalières dans le cas de l’ALD. Là encore ça me parait normal et c’est plutôt le fait de ne pas payer d’impôts sur les IJ qui me paraissait anormal : l’impôt devrait être fonction du montant des revenus, pas du statut du contribuable ou de la nature des revenus.
Par contre j’ai eu une petite frayeur vis à vis de mon employeur et j’ai bien failli faire une grosse erreur.
J’avais commencé à me renseigner un peu sur le problème de l’invalidité et à regarder ce qu’il se passait. J’avais en particulier lu la Circulaire DRT n° 94-13 du 21 novembre 1994 qui est dédié au sujet (On peut en consulter une copie ici : http://prevention.pharmacie.univ-mrs.fr/sante_travail/medecin_travail/apt_medicale/circ_apt_medicale.html c’est d’ailleurs bizarre que ce genre de texte ne soit pas disponible sur légifrance…). Le problème c’est que cette circulaire est très mal rédigée et trompeuse en bien des points. Elle commence par parler de beaucoup de cas de licenciement pour inaptitude ce qui m’a induit à penser que le licenciement pour inaptitude était la conclusion logique du classement en invalidité. C’est d’ailleurs ce que m’a indiqué explicitement une employée de la sécu (au guichet) alors que le médecin conseil a répondu qu’il ne savait pas comment les choses se passaient (vu que ce n’est pas son rôle). Les courriers envoyés par la sécu sont également trompeurs, ils disent qu’il faut informer son employeur du passage en invalidité pour permettre l’organisation de la visite de reprise – visite qui permet de constater l’inaptitude et de déclencher le licenciement – alors que nous verrons que ce n’est pas du tout la procédure logique. S’il faut informer l’employeur c’est uniquement pour déclencher une éventuelle prise en charge du complément de la pension d’invalidité par le contrat de prévoyance souscrit par l’employeur.
Du coup lorsque j’ai vu la DRH de ma boite peu avant la visite avec le médecin conseil, j’avais en tête que c’était la procédure normale et j’ai laissé entendre que j’accepterai cette solution, car mon employeur m’a bien fait comprendre que mon absence lui coûtait cher vu que la mutuelle (ou le contrat de prévoyance) ne couvre pas les charges patronale correspondant au complément des indemnités journalières. Heureusement j’ai pris la peine de me renseigner plus en détail et en particulier d’en parler avec une de nos amies qui est assistante sociale en entreprise. Elle m’a alors confirmée que d’une part dans l’entreprise où elle travaille l’entreprise ne procède jamais au licenciement suite au passage en invalidité, et cela même si l’employé arrête de fournir des arrêts de travail ce qui peut d’ailleurs poser des problèmes (pour déterminer quand il faut organiser la visite de reprise). D’autre part elle a confirmé ce qui apparaît en une petite phrase au début du paragraphe III de la circulaire de la DRT – même pas au début du paraphe : « Le salarié classé en invalidité peut continuer à fournir des arrêts de travail : la situation antérieure à la mise en invalidité n'est pas modifiée. » Il faut avouer en outre que ce n’est pas très explicite et que cela n’indique pas explicitement que cela fait échec au licenciement pour inaptitude. Moi à la première lecture, je suis complètement passé à coté et comme hormis cette petite phrase pas explicite pour un non juriste ils parlent de licenciement pour inaptitude dans tous le reste du document j’avais fais un contre-sens total. Comme la DRH m’a indiqué que le contrat de prévoyance me couvrait même si je n’étais plus salarié par l’entreprise, cela paraissait acceptable.
Bref, en me renseignant plus avant j’ai fini par comprendre la logique : Pour qu’il y ait licenciement pour inaptitude, il faut qu’il y ait une visite de reprise à la médecine du travail. Pour qu’il y ait une visite de reprise, il faut que l’arrêt de travail soit fini. Donc tant qu’on continue à envoyer une prolongation d’arrêt de travail à l’employeur (et uniquement à l’employeur puisque la sécu n’est plus concernée), le licenciement pour inaptitude n’est pas possible.
Lorsqu’on est en invalidité, il faut absolument continuer à fournir des arrêts de travail à son employeur pour empêcher le licenciement pour inaptitude.
Vous me direz, qu’est-ce que cela aurait changé si le contrat de prévoyance me couvrait dans tous les cas ? Plusieurs choses non négligeables :
· Tout d’abord notre mutuelle, qui couvre toute ma famille et est liée à mon contrat de travail. Cela n’est pas négligeable car trouver une nouvelle mutuelle lorsqu’on a une maladie chronique n’est pas forcément idéal. D’accord je suis couvert à 100% pour la sarcoïdose du fait de l’ALD et de l’invalidité mais cela ne couvre pas tout : lunette, soins dentaires, forfait journalier en cas d’hospitalisation, dépassement d’honoraires de nos très chers spécialistes pour les consultations privées… Je préfère tout de même être couvert par une bonne mutuelle et le 100% ne couvre pas ma femme et ma fille.
· Ensuite le fait de continuer à être salarié par le même employeur me permettra de masquer au moins partiellement l’arrêt de travail sur mon CV. Sur mon CV la période d’invalidité apparaitra comme une période de travail puisque je fais toujours parti de l’entreprise. Donc même si au final il n’est pas possible de continuer à travailler pour mon employeur actuel lorsque ma santé me permettra de reprendre le travail, au moins il n’y aura pas de trou sur mon CV pour rechercher un nouvel employeur. Cela ne masquera pas tout et je suppose qu’il faudra bien que j’en parle au moment de l’entretien d’embauche mais au moins ça permet de passer le barrage de la sélection de CV.
· Plus important encore, si mon état de santé me permet de reprendre le travail à temps partiel, il sera beaucoup plus facile de le faire dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique avec mon employeur actuel qu’en cherchant un travail à temps partiel chez un nouvel employeur.
· Ensuite, si je me retrouve dans la situation (peu probable mais on ne sait jamais) où je puisse reprendre le travail mais pas celui que j’avais avant d’être malade, mon employeur actuel aura l’obligation de rechercher une solution de reclassement (difficile mais pas impossible) alors qu’une reconversion est plus délicate lorsqu’on est demandeur d’emploi.
· Enfin cela me permet de conserver quelques petits avantages annexes : ancienneté, droit individuel à la formation, participation aux bénéfices… Droit individuel à la formation qui pourra s’avérer utile s’il faut envisager une reconversion.
J’ai donc demandé à mon médecin traitant de continuer à me faire des arrêts de travail tant que mon état le justifie, ce qui l’a également surpris car lui aussi il pensait que l’invalidité mettrait fin au contrat de travail. Une fois la logique expliqué, il m’a fourni la prolongation de bonne grâce mais heureusement que l’arrêt de travail me couvrait jusqu’à la fin du mois de juillet sinon je me serais peut-être fais piéger, le médecin du travail étant obligé de statuer en fonction de mon état de santé actuel qui évidement ne me permet pas la reprise du travail (il n’y a qu’à voir, cela fait un mois que je dois faire ce post de blog et c’est seulement maintenant que j’y arrive).
Enfin, je me permet de préciser, si jamais des employeurs ou DRH atterrissent sur ce blog que le licenciement pour raison de santé (et donc pour invalidité) est explicitement puni par le code pénal : c’est les articles 225-1 à 225-3 : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006417831&idSectionTA=LEGISCTA000006165298&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20100128 Pour ceux qui seraient tentés de passer outre, le code pénal prévoit une peine de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende. Le seul cas envisageable d’après ce que j’ai compris est le cas d’une PME où le fait de conserver l’employé malade mettrait en péril la survie de l’entreprise – ce qui n’est pas du tout le cas de mon employeur.
Du coup j’ai rappelé la DRH qui m’a confirmé que le licenciement n’était plus du tout envisageable du moment où je restais en arrêt de travail et m’a assuré que bien entendu ils respecteraient la loi. « Dura lex, sed lex ». Du coup, j’ai reçu une feuille de paye normale pour le mois de juillet (sur la même base que pour les IJ) et je suppose que l’ajustement au montant de la pension d’invalidité se fera à partir du mois d’aout. Ah, oui, le changement aussi concerne la périodicité des versements : les IJ étaient versées par quinzaines tandis que la pension d’invalidé est versée le 11 du mois suivant, heureusement j’avais anticipé d’avoir quelques liquidités d’avance.
Ah, oui, il y a quand même deux petits avantages :
- Je ne suis plus astreint aux horaires de sorti (mais de toute façon mon généraliste me mettais toujours horaire libre en arguant du risque de dépression lié aux atteintes neurologiques).
- Je ne suis plus obligé de demander la permission à la sécu et à mon médecin pour sortir du département, ce qui était très pénible lorsqu’on allait en week-end chez mes parents à 80 km de là.
Edit, le 17 Avril 2013: J'ai fait un post complémentaire pour répondre aux questions les plus fréquentes que vous trouverez ici: http://xstoffr.over-blog.com/article-invalidite-inaptitudes-licenciement-reponses-aux-questions-frequemment-posees-114844879.html