Donc deuxième saison de notre série sur les professeurs avec pour cette deuxième année un unique épisode. Et disons-le tout de suite histoire de casser le suspens, cette deuxième saison est très décevante et ressemble beaucoup trop à mon goût à un remake de la saison précédente dont on pourra retrouver les épisodes ici : épisode 1, épisode 2, épisode 3 et épisode 4.
Pourtant j’avais préparé la consultation en envoyant un courrier de 8 pages dactylographiés à l’interniste qui me suit régulièrement pour qu’on puisse discuter de ces sujets et voir comment transmettre ces questions au professeur. Elle n’avait rien trouvé à redire à mes argumentations et a transmis le courrier au professeur qui l’a parcouru à nouveau en début de consultation (enfin surtout les deux premières pages de lettres où je résumais mes interrogations, pas le détail des 6 pages d’argumentations ni la bibliographie…).
Rappelons succinctement mes interrogations :
· Je voulais que soit établie une bonne fois pour toute que l’atteinte neurologique est l’hypothèse la plus probable et qu’il faut d’une part traiter en conséquence et d’autre part effectuer un suivi neurologique pendant les baisse de corticoïdes quand les troubles neuropsychiques redeviennent importants.
· Je voulais que soit établi le fait que je suis atteint d’une forme active de la sarcoïdose depuis plus de 4 ans (début des premiers symptômes) et non pas depuis 2 ans (date du diagnostic) car cela a, à mon avis, une influence sur la stratégie thérapeutique : Au bout de 2 ans, on peut encore penser qu’une rémission spontanée rapide est possible et donc avoir une stratégie consistant à minimiser les effets secondaires du traitement en attendant que ça passe, quitte à dégrader ma qualité de vie (puisque c’est temporaire). Au bout de plus de 4 ans, une rémission spontanée rapide semble peu probable et il me semble qu’il faut envisager que la maladie devienne chronique et donc viser un traitement permettant de vivre avec la maladie à long terme (et donc avec une qualité de vie acceptable).
· Après deux échecs de baisse des corticoïdes entre 15 et 17 mg/jour, face à une dégradation de l’état général, en particulier un épuisement très important, une résurgence des symptômes neuropsychiques (maux de tête, aboulie, acouphène, difficultés de concentration) et une réapparition de symptômes qui avaient quasiment disparus avec l’introduction du MTX (douleurs articulaires, douleur au niveau du foie, atteintes dermatologiques, douleur au niveau nez/sinus…), la stratégie consistant à simplement baisser les corticoïdes semble vouée à l’échec. Je m’interrogeais donc sur les alternatives possibles :
o augmentation des doses de méthotrexate,
o maintient des doses de corticoïdes à des niveaux élevés en prenant les précautions nécessaires pour contrer les effets secondaires (régime pour le diabète, vitamine D pour l’ostéoporose) et effectuer un suivi régulier de ceux-ci (dosage périodique de l’hémoglobine glyquée, ostédensitométrie…)/
o autres alternatives à définir : Je citais dans ma lettre un peu au hasard les anti-tnf alpha et le rémicade avec des points de suspension car je n’ai pas (encore ?) les connaissances nécessaires pour discuter ce point.
Ma lettre argumentait en outre en détail le fait que l’hyperprotéinorachie ne pouvait pas être imputée au diabète car celui-ci était tout juste débutant au moment de la PL alors qu’une étude a montré formellement que l’hyperprotéinorachie n’apparaît pas avant 5 ans dans le cadre du diabète (voir épisode 4 de la saison 1), qu’elle ne pouvait pas non plus être considérée comme un cas peu fréquent de la distribution de probabilité de cette valeur car la probabilité était beaucoup trop faible (de l’ordre de un sur un million, voir épisode 3 de la saison 1) et que la fatigue ne pouvait pas être imputée à une dépression (voir épisode 1 de la saison 1) compte tenu d’éléments personnels sur ma vie privée et des avis convergents des médecins ayant eu la possibilité de me voir régulièrement (psychiatre pendant l’épisode d’épuisement professionnel ayant précédé le diagnostic, médecin traitant et interniste depuis).
Bon, pour commencer, la consultation a débutée avec 2 heures de retard… Ce n’est pas très grave en soit, je préfère largement un médecin qui est chroniquement en retard pour ses rendez-vous mais qui prend le temps de vous écouter et de considérer à fond tous les éléments de votre dossier plutôt qu’un médecin ponctuel qui vous met dehors même s’il n’a pas pu tout étudier en détail dès qu’on approche de la durée nominale de la consultation. Le seul problème c’est qu’il faisait super chaud dans sa salle d’attente (sans fenêtre) et même si j’avais pris la peine de faire le trajet la veille, que la remontée de corticoïdes faisait que j’étais un peu mieux que d’habitude, j’ai eu beaucoup de mal à encaisser physiquement cette attente et donc lorsque la consultation a commencée, j’étais fatigué et avec des maux de tête significatifs… Bref pas les conditions idéales.
Ensuite, sur le déroulement de la consultation, l’ambiance était un peu tendue : j’ai eu l’impression d’être bombardé de questions auxquelles j’avais du mal à répondre rapidement : par exemple je n’ai pas retrouvé les résultats du dernier EFR tout de suite et je ne l’ai ressorti qu’après quand ayant eu quelques minutes de répit j’ai pu me souvenir où il était probablement rangé. Il était visiblement mal à l’aise avec mon cas et mes questions…
J’ai du mal à me souvenir des détails mais en gros voici les conclusions :
· Il considère que l’essentiel de la fatigue n’a pas pour origine la sarcoïdose puisqu’il n’y a aucun signe clinique probant : les analyses de sang sont normales, les douleurs articulaires absentes au moment de l’examen et peu significatives actuellement (j’avais eu des douleurs au niveau des doigts pendant l’attente mais il n’y avait plus rien au moment de l’examen, avec une dose de 22,5 mg de corticoïdes elles sont en générales très fugaces), l’IRM crânien est normale et l’hyperprotéinorachie pas suffisante pour justifier d’une atteinte neurologique à même d’expliquer mes troubles neuropsychiques, pas d’atteintes dermatologiques, pas de ganglions, le scanner thoraco-abdominal est normal… Bref tout est normal, je n’ai aucune raison d’être fatigué et d’avoir des troubles neuropsychiques.
· Il conclut donc que les symptômes neuropsychiques (aboulie, acouphène, maux de tête, problèmes de concentration) ont probablement pour origine une dépression et prescrit donc des antidépresseurs pour permettre une baisse des corticoïdes. ARRRGGGG !!! Nous voilà revenu deux ans en arrière au même point qu’à l’issue de l’épisode 2 de la saison 1 des professeurs, épisode que j’avais jugé suffisamment désastreux pour justifier un changement de distribution pour l’épisode 4 ! D’après lui, la dépression serait dû à l’absence d’activité… Donc si je synthétise, si je ne peux pas reprendre le boulot comme je le souhaite depuis 2 ans c’est parce que je fais une dépression qui est dû au fait que je n’ai par repris le boulot ce qui me déprime… Avec une logique comme ça, on n’est pas sorti d’affaire !
· Il prescrit tout de même un IRM crânien de contrôle mais ne juge pas qu’il soit utile d’attendre une nouvelle tentative de baisse des corticoïde (et donc une résurgence des symptômes) pour le faire.
· Il prescrit tout de même une augmentation du méthotrexate à 25 mg/ semaine soit une augmentation de 25%.
· Il refuse de programmer une nouvelle PL, celle-ci ne pouvant être envisagée que si l’IRM de contrôle montrait quelque chose. Donc on réitère l’examen qui avait été infructueux mais on refuse de refaire celui qui avait été positif pour voir comment ça a évolué entre-temps… La logique de la chose m’échappe quelque peu d’autant que j’ai montré dans mon argumentation, publication à l’appui que la sensibilité de l’IRM (mesure inverse du taux de faux négatif) est probablement plus faible que celle du taux de protéine dans le LCR.
· Lorsque j’ai insisté et lui ai demandé frontalement à quel pourcentage de chance il estimait la probabilité d’une atteinte neurologique, il a esquivé la question en disant qu’il y avait effectivement probablement eu une atteinte neurologique légère de type méningite (inflammation des méninge, les tissus qui enveloppent le cerveau, inflammation qui est infectieuse dans les méningites dont on parle le plus souvent mais qui ici serait dû à la sarcoïdose) mais que cela ne peut pas expliquer mon état général dont il attribut la cause à une dépression. Il a en particulier insisté sur le fait que cela ne ressemblait à aucun cas de neurosarcoïdose qu’il ait vu dans sa carrière…
· Les autres traitements possibles en particulier les anti-tnf alpha sont exclus pour l’instant car les effets secondaires sont trop importants et aucun signe clinique ne justifie leur mise en œuvre.
· Si je vais mieux lorsqu’on remonte les corticoïdes ce n’est pas parce que cela fait baisser la sarcoïdose mais c’est l’effet dopant des corticoïdes. J’ai quelques doutes sur ce sujet, si les corticoïdes étaient efficaces contre la dépression, il me semble que ça se saurait et j’ai plutôt entendu dire qu’ils auraient l’effet inverse.
· Il faut continuer à baisser les corticoïdes coûte que coûte.
Mon interprétation tout à fait personnelle :
TOUT PROFESSEUR QU’IL EST, IL EST LOIN DE MAITRISER LA SITUATION COMME TOUS LES AUTRES D’AILLEURS !!!!
Bon, au moins il ne m’a pas ressorti le coup du diabète comme explication de l’hyperprotéinorachie, donc mon argumentaire a au moins dû porter sur ce point. L’hyperprotéinorachie a été qualifié de modérée et donc pas éliminée d’office, mon argument statistique a peut-être également porté sur ce point. Par contre il a mentionné l’absence d’ECA dans le LCR et il a fallu que je réplique que les corticoïdes avaient pu fausser le résultat d’analyse sur ce point (ce qui était mentionné dans mon analyse, publication à l’appui) ce à quoi il n’a rien répliqué (mais cela n’a pas amélioré son humeur).
Mais sinon, si on regarde les conclusions ci-dessus, on note nettement qu’il y a plusieurs éléments contradictoires : Il insiste sur le fait que la dégradation de mon état général et les symptômes neuropsychique ont pour origine la dépression mais s’il était vraiment convaincu de cela, pourquoi prend-il le risque d’augmenter le méthotrexate dont les effets secondaires potentiels ne sont pas négligeables (risques d’infection et de problèmes au foie en particulier) ? Pourquoi prend-il aussi la précaution de redemander un IRM crânien ?
Je constate également qu’il met en place plusieurs modifications de traitement en même temps : mise en place des antidépresseurs en même temps qu’augmentation du MTX, donc si ça marche et qu’effectivement j’arrive à baisser les corticoïdes plus bas, on ne saura pas d’où ça vient, il dira probablement que c’est les antidépresseurs alors que je suis convaincu que ce sera l’augmentation de MTX. Logiquement, si c’est linéaire, 20 mg de MTX m’ont fait passer de 55 mg/ jour de corticoïdes à 20 mg/ jours donc avec 25 mg de MTX, on devrait pouvoir descendre vers 10 mg de corticoïdes. On verra bien si ma prédiction est vrai. Rendez-vous dans quelques mois !
Il n’a pas reparlé de la durée depuis laquelle je suis malade, probablement parce que ce n’a pas beaucoup d’importance à ses yeux (mais ça en a pour moi). Vu la teneur du reste de la consultation, je n’ai pas voulu ramener le sujet sur le tapis, on avait déjà assez de sujets tendus comme ça.
Je maintiens mon avis sur l’IRM : ça ne sert à rien de le réitérer quand ça va mieux à cause d’une augmentation du traitement (hausse du MTX ou des corticoïdes) : on ne verra pas plus de choses que quand j’étais à 60 mg de corticoïdes. Il faut faire cet examen lorsqu’une tentative de baisse des corticoïdes se passe mal. J’ai donc décidé d’attendre l’IRM qui est programmé début septembre (et oui Gilles, ici c’est BEAUCOUP plus rapide ici que dans la belle province) pour augmenter le MTX (on n’est plus à un mois près) tout en redescendant les corticoïdes pour revenir vers les 15 mg au moment de l’examen, zone où en principe les symptômes redeviennent plus forts – oui je prends le risque d’une baisse rapide des corticoïdes mais après tout, si ça se passe mal, tant mieux, au moins on verra des choses à l’IRM.
Visiblement mes arguments pour exclure la dépression comme cause de la fatigue (alors que j’ai argumenté qu’elle pouvait ponctuellement être une conséquence de la fatigue lors des baisses du traitement) n’ont pas porté. Je veux bien prendre des antidépresseurs si ça peut lui faire plaisir et pour lui montrer que ça ne change rien mais à deux conditions :
- Que ce ne soit pas en même temps que la hausse du MTX pour qu’on puisse dissocier les deux en cas de succès et savoir laquelle des deux approches a effectivement donné un résultat.
- Que ce soit sous contrôle d’un spécialiste, c’est à dire un psychiatre. Je vais donc prendre rendez-vous avec le généraliste au plus tôt pour qu’il m’en indique un (et fasse les papiers pour la sécu comme quoi c’est bien justifié et que c’est pas juste une lubie de ma part). J’ose espérer qu’un psychiatre digne de ce nom fera une évaluation avant de confirmer la prescription auquel cas il y a de bonnes chances qu’il conclue que je ne fais pas de dépression et qu’il pourra certifier la chose à notre très cher Professeur.
J’ai également commencé à me renseigner sur un autre spécialiste à Paris cette fois qui est l’auteur de plusieurs publications récentes sur la sarcoïdose et dont on a déjà parlé avec l’interniste. Il semblerait qu’en secteur privé, moyennant des honoraires libres et élevés (mais pris en charge par ma mutuelle) on puisse avoir un rendez-vous rapidement. Je verrais donc en septembre en fonction des résultats de l’IRM mais ça donne une alternative pour un changement de casting pour la saison 3 de la série.
La question de la vitamine D a aussi été abordé et il a confirmé ce que je pensais à savoir que la dose que j’ai actuellement (2 goutes de sterogyl par jour) est un peu faible et qu’on peut monter sans problème 5 goutes. Il va falloir que je vois ça avec mon généraliste.
Du coup mon plan d’action pour les mois qui viennent :
- D’abord baisser les corticoïdes pour faire l’IRM lorsque la baisse provoque une résurgence des symptômes invalidants.
- Ensuite remonter le MTX comme prescrit par le Professeur.
- Enfin et uniquement si c’est validé par un psychiatre, mettre en place les antidépresseurs
- Si l’IRM est négatif, demander encore un autre avis auprès du spécialiste parisien.
Pff, c’est pas gagné encore cette histoire.
Sinon pour la petite histoire, depuis mardi j’ai plutôt la pêche malgré une baisse des corticoïdes à 20 mg. En rentrant de Lyon mercredi, j’ai pu tondre le jardin en une seule fois, hier j’ai complètement désherbé une grande plate-bande qui était complètement en friche depuis le début du printemps que je n’étais pas en état de m’en occuper et j’ai en plus pu faire mon circuit de marche habituel que je ne pouvais plus faire depuis longtemps, aujourd’hui j’ai fait le ménage de la maison, chose qu’également je n’avais pas pu faire depuis longtemps. Pourvu que ça dure – enfin si ce n’est pas un énervement dû aux corticoïdes !
P.S. Pour le désherbage, j’ai imaginé que les mauvaises herbes étaient des granulomes, je peux vous assurer qu’à la fin ma plate-bande était aussi nickelle que mes IRM crâniens et que ça n’a pas trainé !